Pitch pour le Prix FNEGE de la Meilleure Thèse en 180 secondes / Prix AFC 2018
Le champ de l’aide humanitaire s’est profondément transformé en se structurant autour d’une « chaîne de l’aide » imbriquant des bailleurs internationaux, des ONG internationales mais également de petites ONG situées dans les pays bénéficiaires. La recherche en contrôle a montré que la gestion des ONG est fortement influencée par la relation que ces dernières entretiennent avec les bailleurs internationaux. L’objectif de notre recherche est de contribuer à cette littérature en analysant le rôle et l’influence des dispositifs de contrôle dans la transformation du champ humanitaire. Pour analyser ces transformations, nous proposons le concept de régime de contrôle, défini comme la combinaison d’un système d’accountability, d’un modèle de performance et d’un ensemble cohérent de normes et de valeurs. Notre travail de terrain a constitué en deux immersions ethnographiques, chez Handicap International, puis chez Médecins Sans Frontières (MSF). Nous montrons que le système d’accountability d’Handicap sert à « rendre des comptes » aux bailleurs alors que celui de MSF incite les sans-frontiéristes à se « sentir responsables ». Le modèle de performance de Handicap repose sur des systèmes de contrôle centralisés, favorisant la notion d’efficience humanitaire, alors que les caractéristiques du modèle de performance de MSF reflètent une responsabilité budgétaire collective et une prise de risque tolérée. Quant aux normes et valeurs, celles de Handicap signalent un processus de managérialisation de l’ONG, matérialisé par le recrutement de néo-managers humanitaires, alors que les normes et les valeurs élitistes de MSF permettent l’émergence d’un néo-entrepreneur humanitaire. Si MSF parvient à adopter un modèle alternatif, c’est parce que l’ONG a su s’affranchir des bailleurs, afficher une forte légitimité auprès de ses parties prenantes externes tout en maintenant des normes et des mécanismes d’accountability interne prégnants. Le cas MSF, en illustrant une organisation alternative au schéma de la managérialisation de l’humanitaire, permet de montrer que cette évolution n’est pas inéluctable.